février 24, 2022

Le « mandat » ADS-B de NAV CANADA ?

Jon Robinson

Par Jim Ferrier – Directeur, Opérations aériennes – COPA

NAV CANADA a maintenant publié son mandat exigeant l’équipement ADS-B Out pour l’espace aérien canadien. Les exigences dans l’espace aérien de classe A et B sont identifiées pour commencer le 23 février 2023, et pas plus tôt le 23 février 2026, dans l’espace aérien de classe C, D et E.

Au cours des prochaines semaines, la COPA publiera une série d’articles qui souligneront les préoccupations relatives à la mise en œuvre proposée du mandat de l’ADS-B de NAV CANADA. Ces préoccupations légitimes n’ont pas été abordées, du moins pas publiquement, par le fournisseur de services de la navigation aérienne, NAV CANADA, et l’organisme de réglementation, Transports Canada.

Le mandat est-il vraiment une réglementation et de qui relève-t-il ?
NAV CANADA présente ce mandat comme étant émis au nom du Canada pour les utilisateurs de l’espace aérien canadien. La circulaire d’information aéronautique 2/22 : « Avis de surveillance dépendante automatique – Exigences de performance en matière de diffusion dans l’espace aérien intérieur canadien » stipule ce qui suit :

« À compter du 23 février 2023, le Canada commencera à imposer des exigences de performance en matière de surveillance dépendante automatique – diffusion (ADS-B out) dans l’espace aérien intérieur canadien (CDA) applicable. »

Cette déclaration soulève la première préoccupation : « Quelle autorité permet à NAV CANADA d’imposer un mandat au nom de l’État ? »

Pour commencer à comprendre la question, il faut examiner la définition du terme « mandat. » La définition, ou tout exemple de mandat, ne figure pas dans la Loi sur l’aéronautique, le Règlement de l’aviation canadien (RAC) ou la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile (Loi sur les SNA – CANSCA) ; il faut donc se tourner vers un dictionnaire.

NOM :
« Accomplissement d’un acte juridique; le contrat donnant pouvoir de representation »

VERBE
« Exiger comme par la loi ; rendre obligatoire. »

Larousse, Langue française et Juridictionaire, Bureau de la traduction, Gouvernement du Canada.

Ces définitions décrivent clairement quelque chose qui détient l’autorité ou l’exigence basée sur la loi. En l’absence d’une autre définition spécifique du mandat dans la législation aéronautique canadienne, on ne peut que supposer que cette définition fait du « mandat » un synonyme de « règlement » s’il a une autorité légale. Il est donc difficile de comprendre comment NAV CANADA peut publier un mandat et pourquoi Transports Canada n’apporte pas ces changements par le biais du RAC ou des normes.

La Loi sur l’aéronautique stipule que le « Ministre est responsable du développement et de la réglementation de l’aéronautique et de la supervision de toutes les questions liées à l’aéronautique. » D’autre part, la CANSCA permet « à la Société (soit NAV CANADA) de planifier et de gérer l’espace aérien, » mais identifie spécifiquement « le droit du gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant la classification et l’utilisation de l’espace aérien. » En termes plus simples, la législation désigne Transports Canada, et l’État, comme l’autorité d’établir des règlements, ou des exigences légales, et NAV CANADA peut planifier et gérer l’espace aérien.

Sans une autorité claire, comment le mandat de NAV CANADA peut-il être légalement mis en œuvre ? Comment NAV CANADA fera-t-elle respecter la conformité ?

L’AIC 2/22 indique que « …le mandat sera mis en œuvre par la désignation de la classification de l’espace aérien et la modification des exigences relatives aux transpondeurs dans l’espace aérien, conformément au Manuel des espaces aériens désignés (DAH), TP 1820F. » Cette déclaration est intéressante car il semble que l’intention soit de modifier les exigences existantes relatives aux transpondeurs dans l’espace aérien afin d’inclure l’ajout d’une exigence relative à l’équipement ADS-B dans le DAH et non d’apporter un changement réglementaire réel mais plutôt de le faire par une sorte de référence.

Cette approche de l’habilitation est déroutante car le DAH ne contient actuellement aucune définition d’équipement et constitue plutôt un document définissant les limites des différents espaces aériens et non des exigences opérationnelles. Comment le DAH peut-il être utilisé pour déléguer à NAV CANADA le pouvoir réglementaire d’exiger un équipement spécifique s’il ne l’a jamais fait auparavant ? Il semble encore plus étrange d’attribuer des exigences opérationnelles en matière d’équipement au DAH alors que le précédent est que les exigences en matière d’équipement, liées à la navigabilité ou à l’exploitation, ont toujours été définies par TC et incluses dans le RAC ou les normes associées.

Compte tenu des observations précédentes, il est difficile de comprendre comment un mandat de NAV CANADA peut être activé ou mis en œuvre au lieu d’une réglementation de TC. Il semble plutôt que l’on veuille mettre en œuvre des changements importants sans que TC ait besoin de définir des exigences dans le RAC ou les normes. Cette approche semble également permettre à TC d’éviter d’avoir à suivre des processus législatifs comme ceux du CCRAC ou de la Gazette pour apporter des changements (ce qui peut prendre plus de deux ans) ? Cette optique est troublante car ces processus législatifs sont censés permettre au public de commenter les changements proposés et d’éviter les modifications arbitraires de la réglementation sans consultation. Le processus du CCRAC ne mettrait-il pas en évidence dans un dossier public toutes les préoccupations des utilisateurs, y compris les impacts opérationnels et financiers de ce mandat qui doivent être pris en compte ? Il pourrait également identifier une meilleure approche de mise en œuvre, qui minimiserait les pénalités opérationnelles et les millions de dollars de coûts pour les utilisateurs de l’industrie.

Après examen, la question initiale demeure : « Quelle autorité permet à NAV CANADA d’imposer un mandat au nom de l’État ? »

Représentant le plus grand groupe d’utilisateurs de l’espace aérien canadien, la COPA estime que les préoccupations et les questions soulevées dans cet article (et d’autres à venir dans des articles ultérieurs) doivent être abordées, répondues et expliquées publiquement avant que ce « mandat » puisse être imposé, dans moins d’un an.

(Image : Aireon)